Evidence commune

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La cérémonie d'ouverture des J.O. 2024 a donné lieu à des avis tranchés. Blasphématoire, pour certains, sataniste pour d'autres, libérée pour d'autres encore. Comment un même fait peut-il être appréhendé de manières aussi différentes?

Chacun, quelle que soit son option, nous dit comment est l'événement. Cet emploi du verbe "être" est problématique. Le verbe être a quelque chose d'intransigeant, de définitif. Il nous renseigne sur la nature des choses, sur leur attributs. Il nous dit comment elles sont: les choses sont ainsi ou bien elles sont autrement. On n'a pas le choix.

Le verbe être exprime une vérité définitive.

Exemple, "la terrre est ronde" est un fait avéré et reconnu par tous. Cette affirmation est intéressante car elle est doublement fausse: si la terre était ronde, il faudrait qu'elle soit plate (elle est sphérique), et sa rondeur est approximative car on sait qu'elle est un peu aplatie aux pôles. Pour autant, cette phrase est admise par une large communauté d'humains comme étant vraie. Il y a là une évidence partagée.
Le verbe être exprime ausi une égalité. Exemple : la phrase "Cette table est magnifique" pourrait s'écrire "Cette table = magnifique". Elle indique qu'au moins un des aspects de cette table peut être, sasn discussion, considéré comme magnifique.

Cet emploi du verbe "être" s'appuie sur un implicite préalable. Il suppose que nous ayions des référentiels suffisamment proches. C'est notre évidence commune

  • L'évidence communue est d'abord une évidence personnelle.

C'est la somme des présupposés qui me servent à comprendre le monde sans avoir à tout questionner à chaque instant. Les valeurs, les croyances qui me sont propres en font partie. Cette zone peut-être plus ou moins large autour de moi, plu sou moins sensible. Elle est un espace de sécurité. Lorsqu'il est trop questionné, des rigidités voire des conflits peuvent naître.

  • L'évidence commune est par définition commune....

Plus ma grille de lecture est commune avec celle de l'autre, plus les points de communication vont être nombreux. Si nous avons exactement les mêmes évidences, les mêmes équivalences il n'y a aucune friction. L'échange ronronne dans une routine tranquille où chacun conforte l'autre et est conforté par lui. C'est l'espace d'échange de lieux communs où on n'a presque pas besoin d'écouter l'autre tant ce qu'il va dire est attendu.

Au delà de cette caricature, la communication avec l'autre attend un minimum (parfois un maximum) d'évidences communes. Il est néanmoins rare qu'on prenne le soin de vérifier quelle est l'évidence de l'autre. La C.N.V parle "d'aller sur la colline de l'autre"; la maïeusthésie sait écouter l'autre là où il est en lui disant "si tu penses ceci, alors je comprends que tu éprouves celà". Dans la vie courante, ces attentions sont beaucoup plus rares. Au mieux, mes évidences implicites sont si évidentes que par défaut, l'autre doit les partager (elles nous sont communes) au pire, je dois indiquer à l'autre ce qui est vrai afin qu'il sorte de l'erreur et que nous retrouvions un terrain commun (à moins que je ne souhaite juste défendre bec et ongles la vérité sur laquelle je me suis construit et qui m'est si indispensable)

Aller questionner ces évidences est plus ou moins sensible selon les persones, et selon les sujets abordés. Selon que me frotter à l'avis de l'autre sera vécu comme un enrichessement possible ou une mise en danger, la relation va prendre une couleur différente.

Si je crois que la France est la fille aînée de l'Eglise, je peux, à bon droit, juger la cérémonie d'ouverture des J.O. blasphématoire.
Si je crois que les satanistes ont infiltré le splus hautes spheres, je peux, à bon droit, y trouver maint signes qui confortent mon référentiel.
Si je crois que la France est le pays de la liberté d'expression, je peux, à bon droit, me réjouir du goût de provocaton que j'y trouve.

L'un dira "c'est blasphématoire".
-Non répondra l'autre , c'est sataniste!
-Vous n'y êtes pas dira le troisième, c'est la liberté d'expression dans toute sa splendeur.
Chacun dit "c'est" et personne ne parle dans le même référentiel!
Les évidences communues sont si différentes qu'un dialogue de sourds peut s'engager. Indéfiniment!

Chaque inconfort dit "Attention, on sort de mon référentiel". Chaque désaccord, chaque friction signale les frontières d'une évidence invisible qu'on a cru commune. Chaque conflit est la meilleure occasion de contacter l'existence de mes évidences en rencontrant ses limites.

Le poisson rouge ne voit pas le bocal dans lequel il se trouve.

 

mham2023

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