Je suis au centre du monde
"Je suis au centre du monde."
Cette phrase est fausse, bien sûr. Et pourtant ...
Je suis au monde. Je suis forcément quelque part. Où que je regarde, le monde est partout autour de moi. il m'entoure. Logiquement, intuitivement, j'occupe lun endroit à partir duquel mon univers s'organise. Je me crée les codes et les grilles de lecture qui me conviennent. Tant que je suis seul, tout est simple! Personne ne conteste le regard que je pose sur ce qui m'entoure. Dès que j'entre en relation avec un autre, tout change. Combien de fois avons nous entendu "si tout le monde faisait ceci ou celà (sous-entendu "faisait comme je souhaite faire") alors tout irait beaucoup mieux. Or, cet autre que je côtoie appartient à un autre monde, dont il est lui-même le centre. Il croit lui aussi au regard qu'il porte sur le monde. Ses pratiques ne cohabitent pas forcément avec les miennes. Nous ne vivons pas tous dans le même univers, mais dans des multivers voisins. Il y a des frictions en vue ...
Ainsi, un européen dira "c'est l'été". De nombreux signes climatiques lui donneront raison raison. Un australien dira "c'est l'hiver". Autant de signes différents lui donneront raison aussi. Pour un cosmonaute, au fin fond de l'espace, la question de la saison n'a pas de sens. Et il a raison aussi. Chacun a (ses) raison(s). Où est la vérité?
Il peut être important de rester le centre de son monde. Lorsque je conduis un véhicule, la place du chaffeur est centrale. Elle est même souhaitable pour prendre à chaque instant les décisions qui s'imposent. Etant pilote, je suis complètement à l'endroit d'où je vois le monde. Je suis au centre de mon monde. Malgré tout, je ne suis pas seul sur la route ...
Il est parfois difficile de passer de "je suis le centre du monde" à "je suis au centre de mon monde". Mon univers est-il assez solide, assez fiable pour que je puisse me décentrer accepter celui de l'autre sans risquer de voir le mien voler en éclats?
- La tentation de détruire, dénigrer, ne pas reconnaître l'univers de l'autre est un bon moyen pour conforter, pour sécuriser le mien. Si l'univers de l'autre était le bon, s'il était juste meilleur que deviendrait le mien? La peur de l'autre, de l'étranger trouve son carburant dans cette insécurité.
- Reconnaîre combien la vision de l'autre est juste est une véritable ouverture et ne peut être juste une posture plaquée. Pour y parvenir, j'ai besoin avant toute chose de bien connaître mon univers, d'en éprouver la stabilité en sachant bien où je suis. Bouger, me décrisper sera d'autant plus simple que j'aurai plus confiance dans mes racines.
Lorsque l'européen reconnait que l'hiver est présent en Australie, il sait bien que cette reconnaissance ne change en rien le climat d'Europe. Son monde n'est pas ébranlé. Depuis le nouvel endroit où il se trouve, il voit que l'Autralie vit l'hiver ET que l'Europe transpire sous les chaleurs estivales. Son centre s'est déplacé. Il est capable de voir le monde depuis le point de vue de l'autre, de le connaître, de le comprendre. Ce qui ne signifie pas qu'il va adopter le nouveau point de vue. (L'européen ne va pas devenir subitement australien). Il va juste lui faire une place et l'intégrer dans son expérience, à côté de ce qui est déjà existant dans son univers propre.
La sympathie est, étymologiquement, une communauté de sentiments (sym = pareil - pathie = ce qui est ressenti). Lorsque je suis en sympathie avec quelqu'un j'éprouve ce qu'il éprouve. S'il souffre, nous souffrons. Je me perds dans lui.
L'empathie (em = dans - pathie = ce qui est ressenti) est cette capacité reconnaître le ressenti de l'autre, à voir le monde depuis son point de vue, tout en préservant son identité propre.Je suis à côté de lui, et aussi présent pour lui. ( de la même manière, l'auto-empathie me rend présent à moi)
L'empathie pour soi d'abord (qu'est-ce que je ressens) est une clé importante pour pouvoir aller vers l'autre. Et prendre soin de la relation au lieu de s'écharper pour savoir qui détient une hypothétique "vérité" toute relative.
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