CA SUFFIT !!
Il se sent bien seul dans sa vie. Bien inutile aussi. Il est entouré de gens qui ont des idées, des projet, des envies. Autour de lui, chacun occupe son espace, le bâtit, lui donne vie. Il est là, à côté. Au mieux, il aide. Au pire, il attend
Il attend sans trop bien savoir quoi. il attend son tour. Il attend qu'on le regarde? qu'on lui fasse une place? qu'on lui tende la main?
Il est comme un voyageur qui dans une gare désaffectée, attend son train qui n'arrivera jamais… .
La colère arrive. Elle dit: ça suffit !!
Petit, il a compris qu'il fallait plaire. Plaire au parent absolument, sinon il n'y aura plus d'amour pour lui. Sinon, il sera tout seul, orphelin. Ce fonctionnement est obligé, normal. Inquestionnable.
Exister ou être aimé, il faut choisir ! Il a tellement besoin d'être aimé…. et tellement besoin d'exister aussi!
Déplaire n'est pas pensable. Renoncer à exister pleinement reste la seule alternative viable.
La leçon est apprise pour toute la vie: pour tout être important, il faut plaire ou exister. La peur de perdre l'amour pèse et dit : "tu dois plaire"
Impossible de soulever ce couvercle qu'il a lui même scellé.
Il se sent comme prisonnier dans une voiture sous l'eau. Il y a de l'air dans l'habitacle. Pour l'instant, ça va. Mais c'est un sursis. Pour vivre, il sait qu'il faut casser la vitre. Pour sortir du piège, pour respirer l'air du dehors, il faut laisser rentrer l'eau, il faut accepter d'être en apnée. Terrible. Terrifiant!
La peur dit : “Casser la vitre, c'est aller à la noyade.” Et ça, c'est impossible.
La désir dit “La vitre cassée permet d'aller vivre et respirer au dehors.” Des possibles s'ouvrent
La colère dit ,“ avoir peur, CA SUFFIT !!”
L'émotion lui colle ne nez à la feuille. Elle l'empêche de prendre le recul nécessaire pour savoir ce qu'il veut.
Il voit que quand il était petit, il n'avait pas les moyens de faire d'autre choix: la peur de perdre l'amour primait sur tout. Il voit qu'il n'a même pas expérimenté la perte de l'amour. (Il ne sait même pas s'il a vraiment vécu cet amour qu'il avait tant peur de perdre…)
Il sait que la peur l'empêche d'agir à cause des conséquences qu'il imagine. Il sait aussi que dans l'action, des ressources nouvelles, impensées surgissent.
Pour le prisonnier dans sa voiture sous l'eau, briser la vitre n'est pas le chemin vers la noyade mais vers l'air libre. Vers la surface.
Et c'est de ça dont il a envie au fond de lui.
Aujourd'hui, la peur est là. Il peut la voir, la reconnaître. Il peut lui donner toute sa place, et pas toute la place. Aujourd'hui, il y a la peur, et aussi de la place pour exister. Aussi pour le désir. Aussi pour la colère.
Avoir peur, ça suffit!!
(Photo D. ROQUES)