PARDON, RANCUNE etc

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Le pardon, la rancune, la sanction, le châtiment peuvent exister dans une relation entre la victime d'un acte vécu douloureusement et son auteur.

Dans l'examen de cette relation, je considère que l'auteur et la victime sont identifiés, et que l'acte posé par l'auteur n'est pas totalement volontaire.

Quelques termes

  • L'auteur Il est à l'origine de l'acte qui pose problème.

Comment permettre une prise de conscience de son acte sans faire éprouver de culpabilité ? Comment transformer la culpabilité actuellement éprouvée en responsabilisation afin de permettre une meilleure vie sociale.

Poser la conscience sur sa propre pertinence permet de faire que de tels actes, une fois qu'ils auront été entendus, n'auront plus de raison de se reproduire. La compréhension de la pertinence fait de l’auteur un humain. La culpabilisation fait de lui un monstre

  • L'excuse Celui qui est excusé est étymologiquement mis hors (ex-) de cause.
  • Le pardon Pardonner vient de “perdoner vida” = laisser en vie le condamné à mort. Le pardon lève la sanction à l'encontre de l'auteur d'une faute. Il

Il y a le pardon intellectuel (= je décide que) et le pardon émotionnel (= je suis en paix). Le pardon a une intention écologique: consommer moins d'énergie que la rancoeur. Et il permet de s'en libérer.

  • Rancoeur / rancune A l'origine de la “rancidité”. Ce sont de vieux sentiments rancis!
  • Le châtiment Par le châtiment, la victime adopte la même posture que le bourreau. Elle devient a son tour auteur d'un acte violent et source de souffrance. Clairement, l'apaisement ne peut pas emprunter cette voie.

LA RECONNAISSANCE

Reconnaître est le préalable incontournable.

  • Reconnaître la victime
    • dans le tort qui lui a été fait
    • dans sa blessure
  • Reconnaître l'auteur
    • pour permettre la prise de conscience de son geste

La châtiment n'ôtera pas la peine de la victime. Ne rien faire serait pire encore. Il importe que le tort soit reconnu

  • Reconnaître la victime dans sa blessure
    • Elle a vécu un clivage. Celle qu'elle est aujourd'hui peut prendre soin de l’être qu'elle était au moment des faits. Une remédiation est nécessaire
  • Reconnaissance par l'auteur de son acte
    • Il doit pouvoir développer une conscience qui lui permet de ne pas recommencer.
    • Il doit pouvoir rester humain et ne pas devenir un monstre, sans que cela passe par un allègement de la sanction
  • Reconnaissance par la société qui doit être un lieu de sécurité pour l'un comme pour l'autre
    • Elle a besoin que ses membres se respectent entre eux. Elle ne peut ni laisser tout faire, ni déshumaniser certains de ses membres.

LA RANCOEUR

La victime qui vit de la rancoeur vit une double peine

  • L'acte initial a été douloureux
  • La rancoeur contre l'auteur dure, même si les conséquences sont éteintes. Il en résulte un désir de vengeance. Le pardon résulte de la capacité à “remettre” (abandonner) ce désir.

La rancoeur est utile : elle éveille la vigilance. Elle permet de rester en alerte afin d'éviter que l'agression initiale ne se reproduise. Toute situation qui ressemblerait à la blessure initiale réactiverait ce système de protection.

Néanmoins, la compréhension de l'acte de l'autre semble plus propre à apporter un apaisement durable. En comprenant, je n'ai plus besoin d'être dans un état de méfiance permanent. Le pardon devient alors possible. Le désir de vengeance s'éteint. La rumination s'efface.

Etre libre de la rancune amène la paix.

Pardonner peut conduite à un effacement d'êtres de soi, un déni de celui qu'on était et qui a souffert (qui souffre encore), mais aussi un effacement similaire chez l'auteur qui empêche l'accès aux raisons de l’acte et à leur compréhension

ATTENTION: La levée de la rancoeur n'entraîne pas la levée de la sanction

 

PARDON, VENGEANCE, COMPREHENSION, EXCUSE

Une être de la victime a été blessé (passé); un autre réagit (présent). Il est probablement animé d'un désir de vengeance, voire de rancoeur. Quelles options possibles?

Le pardon

Nous l'avons vu, il peut être de deux sortes

réfléchi

L'être blesssé ne sera pas entendu et l'auteur ne sera pas compris. Cet effacement ôte toute pertinence à une sanction. La rancoeur risque d'être toujours présente

véritable

La victime se relie à la l'humanité des deux protagonistes. Une sanction serait aussi monstrueuse que l'acte de l'auteur. elle devient inutile. La paix est présente

La vengeance

L'être d'aujourd'hui a agi : il s’est vengé. Celui d'hier reste blessé et non accueilli. La vengeance n’ôte pas la peine de la victime, la rancoeur est toujours là. L'auteur sanctionné, est-il alors en mesure de « ouvrir sa conscience de telle façon qu’il soit en mesure de réparer ce qu’il a fait (de la meilleure façon possible), et de ne plus avoir l’élan de réitérer son acte n'a pas été entendu. » (T.Tournebise)

La compréhension

Elle permet de se relier à l'humanité de l'autre. Elle ne lève pas la sanction. la paix est là.

L'excuse

Excuser, c'est mettre hors de cause, et au contraire, celui qui est accusé est fortement en lien avec la nuisance. Excuser l'auteur revient à reconnaître qu'il n'est pas la cause du problème et que son origine est à chercher ailleurs. La sanction n'a donc pas lieu d'être. Il ne s'agit pas ici de pardon mais d'une simple mise hors de cause. Pour autant, elle ne prend pas en compte le ressenti de l'auteur.

De même, celui qui s'excuse (qui s'auto absoud) ne prend pas en compte le ressenti de la victime. Celui qui demande qu'on l'excuse demande en fait à la victime qu'elle le mettre hors de cause

 

En résumé

Sanction Paix Rancoeur
Pardon réfléchi Non Non OUI
Pardon véritable Non OUI Non
Vengeance OUI Non OUI
Compréhension OUI OUI Non
Excuse Non Non OUI (possible)

Et la sanction?

La sanction n'est pas la punition.

  • dans la PUNITION, la dimension répressive concrétise le pouvoir du fort sur le faible
  • dans le SANCTION, la dimension réparatrice est justifiée par des règles connues par tous et acceptées par avance

La punition
La punition est l’expression d’un rapport de force. Elle s’exerce dans le cadre d’un pouvoir personnel et peut paraître arbitraire car elle dépend du bon vouloir de l’individu en position de supériorité. Les punitions sont souvent vécues comme injustes par les punis car :

  • elles ne prennent pas appui sur des règles claires et partagées
  • elles ne s’appliquent pas de la même manière à chacun,
  • elle peuvent être disproportionnées avec la faute.


Par ailleurs, elles sont souvent inefficaces car elles ont tendance à être vécues non seulement comme injustifiées mais aussi comme évitables sur le principe du « pas vu, pas pris ».

La sanction
Par opposition à la punition, la sanction peut être définie comme « la conséquence prévue à l’avance d’une infraction ou d’un non respect d’une règle ou d’une loi explicitement formulée et reconnue » (Jean-Pierre Carrier – Docteur en Sciences de l’Education).

Les comportements non acceptés considérés comme des infractions ainsi que les sanctions correspondantes sont donc définies au préalable.
Les réparations sont connues et adaptées au type et à la gravité de l’infraction.
La sanction ne peut pas être vécue comme injuste car elle est accessible à tous et s’applique de la même manière à chacun.

C’est là que réside la différence entre punition et sanction.<sup> ]]

Elle remplira son rôle si

  • Elle permet à l'auteur de comprendre son action et ses conséquences
  • Elle lui permet de quitter le statut de monstre pour accéder à nouveau à celui d'humain
  • Elle permet à l'auteur de se relier à la victime

Si ces conditions sont remplies, la récidive ne devrait pas avoir de raison d'être.

 

LA THERAPIE

Lors de la thérapie, le patient part à la rencontre de celui qui a éprouvé un choc. Il devient alors pour celui-là une ressource, une présence bienveillante et active. On ne changera pas ce qui s'est passé. On peut par contre faire que celui qui a vécu les faits se sente moins seul et puise réintégrer la psyché.

Aider la victime? Aider l'auteur?

  • Punir entérine le statut monstrueux de l'auteur. Il n'est plus tout à fait humain, et donc mérite le sort qui lui est fait. Peut-on espérer le réintégrer parmi les humains en le déshumanisant?
  • Punir fait courir le risque de rendre la victime “comme l'auteur” en lui permettant de réaliser un acte aussi monstrueux que celui qu'elle a subi.
  • La punition fait perdre l'occasion de comprendre comment l'auteur en est arrivé là. Il devient plus difficile de se donner les moyens de réaliser une meilleur prévention.
  • Punir nous coupe de l'humanité. Les actes peuvent être monstrueux. Pour autant les auteurs restent humains, et non monstrueux. Au moment de l'acte, il est probable que l'auteur ne voyait plus sa victime comme un être humain à part entière.

Les deux états (acte violent et punition violente) nous éloignent du statut d'humain. Par définition, un humain ne fera pas de mal à un humain.

 

Pour les deux (auteur et victime) il convient

  • D'accorder voire de rétablir le statut d'humain
  • Permettre d'accéder à la compréhension à ce qui a permis de tels actes, sans les ex-cuser
  • Pour l'auteur, la réconciliation avec lui-même permet d'éviter la récidive.

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